La métropole AMP face à l’Europe

 Dans Economie, Europe, Marseille, Métropole, Région Sud

Aix-Marseille-Provence (AMP) est dans l’attente d’une loi créant une collectivité à part entière et qui résultera de la fusion du département avec l’actuel Établissement de Coopération Intercommunale. Cette fusion représentera une opportunité majeure pour développer l’économie et la cohésion sociale de notre territoire et enfin l’inscrire dans la compétition déjà largement engagée entre les grandes métropoles européennes. Et pour entrer de plain pied dans cette compétition, l’Europe peut lui apporter des soutiens financiers dans de nombreux domaines où elle doit rattraper ses retards.

Pour évaluer la capacité d’Aix-Marseille-Provence à prendre sa place parmi les grandes métropoles européennes, il faut s’interroger sur les atouts qu’elle possède pour y prétendre et sur les faiblesses qui pourraient pénaliser sa montée en puissance et freiner cette ambition.

Avec 1,8 millions d’habitants, Aix-Marseille-Provence s’étend sur les deux tiers du département des Bouches-du-Rhône et constitue la plus importante métropole française en surface et la seconde après le Grand Paris en termes de population. La situation géographique et le territoire d’Aix-Marseille-Provence son autant d’atouts ; une façade méditerranéenne avec un port d’envergure internationale, un aéroport international, un maillage routier et autoroutier convenables, des acteurs économiques dynamiques parmi lesquels plusieurs champions internationaux, un rayonnement et une réputation qui sont en progrès constant depuis le tournant de 2013 où la métropole a été capitale européenne de la culture.

Ces atouts ne doivent cependant pas masquer les faiblesses d’une métropole qui n’a pas réussi jusqu’à présent à se fédérer autour de projets d’envergures. Aix-Marseille-Provence doit ainsi poursuivre son affirmation et lever les freins qui demeurent, à commencer par la persistance d’inégalités sociales et territoriales fortes et un besoin d’infrastructures essentielles, notamment en matière de transports, à la hauteur d’une métropole européenne stratégique.

« Il est impératif de considérer les liens entre densification, mixité, formes urbaines et mobilité afin que les acteurs urbains favorisent, d’une part, des dynamiques spatiales générant des modalités de développement durable, et élaborent, d’autre part, une politique des déplacements stimulant ces mêmes dynamiques spatiales. » [1]

L’Europe, un objectif mais aussi un moyen

Pour lever ces freins, le niveau d’investissement doit être considérablement accru pour se hausser au niveau d’une métropole européenne stratégique. En cela, l’Europe constitue autant un objectif qu’un moyen puisqu’elle dispense de nombreux soutiens au travers de fonds européens qui correspondent à des domaines où nous avons des besoins importants.

Localement, comme dans la majorité des autres territoires en France, l’Union Européenne est fortement critiquée, à commencer par le montant de la contribution de la France au budget de l’Europe, la France étant le deuxième plus gros contributeur de l’Union Européenne (plus de 16 milliards d’euro) après l’Allemagne et avant l’Italie[2]. La France est pourtant l’État membre ayant reçu le plus fort montant de l’UE en 2017, soit 13,5 milliards d’euros[3]. Cette position s’explique par le fait que la France est le premier bénéficiaire des fonds de la Politique agricole commune (PAC), dont les incidences nous permettent aujourd’hui de bénéficier d’une industrie agroalimentaire puissante, qui représente plus de 3 millions d’emplois et qui fait de la France le premier pays exportateur de produits agroalimentaires vers les pays hors Union Européenne.

Au total, la France a obtenu une enveloppe de 27 milliards d’euros de fonds structurels pour la période 2014 – 2020 pour une population de 67 millions d’habitants. La Région Sud-PACA pourrait pour sa part prétendre capter environ 2 milliards d’euros de ces fonds. Or ce n’est que la moitié, 1 milliard, qui a été distribué sur notre territoire régional.

Pour Aix-Marseille-Provence, et au-delà pour l’ensemble de la Région Sud-PACA, la question de la captation des fonds structurels alloués par l’Europe est en débat depuis longtemps. Nous savons que ces fonds sont trop peu sollicités alors que ce n’est qu’après avoir recherché des projets et monté des dossiers de demandes en rapport avec ces projets que ces fonds peuvent être actionnés.

« Aide-toi, le ciel t’aidera », ce vers de Jean de la Fontaine résume bien l’intention que doit avoir tout acteur local pour tirer parti de ces opportunités. Dans cet esprit, le 20 novembre 2018, lors du Congrès de l’Association des Maires de France, le Commissaire européen aux affaires économiques et financières Pierre Moscovici rappelait qu’: « il faut que les collectivités se mobilisent et montent des dossiers de demande » rajoutant « C’est bien beau de nous demander une augmentation du budget, mais il faudrait commencer par dépenser les crédits déjà disponibles ». Certaines Régions – devenues autorité de gestion des fonds structurels – peinent en effet à allouer les fonds européens. Par exemple la Région Bourgogne Franche-Comté doit encore allouer 40% de son enveloppe de subventions européennes d’ici 2020[4], une somme qui, si elle n’est pas utilisée d’ici là, ne sera pas reconduite par la suite et sera donc perdue.

Alors que le territoire de la Région Sud-PACA se voit allouer une enveloppe de plus d’un milliard de fonds structurels européens pour la période 2014 – 2020[5] (hors redistribution de la PAC en région) – trop peu de collectivités territoriales ont demandé l’utilisation de ces fonds. Les premiers responsables de cette situation sont les élus des collectivités publiques qui, singulièrement dans les Bouches-du-Rhône, préfèrent développer leurs projets sans avoir à se soumettre aux contrôles exercés par la Commission européenne dès lors qu’elle vient abonder des projets.

Dans notre territoire métropolitain, les fonds européens ont pourtant déjà permis de soutenir la réalisation de nombreux projets comme le pôle industriel d’Eurocopter, le tunnel de la Major, l’Hôtel Technoptic de Château-Gombert ou encore la création d’entreprises à vocation sociale en ZFU à Marseille. Mais au total, les sommes obtenues par la ville de Marseille et la Métropole sont dérisoires par rapport aux montant disponibles : en 2016, seulement 600 000 euros ont été obtenus dans le cadre du FEDER (Fonds Européens de développement régional) par la Ville de Marseille pour un projet de surveillance « Big data de la tranquillité publique » et 8,5 millions d’euros pour la métropole en 2017.

Les efforts réalisés depuis quelques années doivent certes être soulignés puisque les acteurs présents en région Sud-PACA ont mobilisé de nombreuses subventions européennes[6] au travers de la réponse à des appels à projets. Ce résultat a été possible grâce à la mobilisation des acteurs économiques qui sont allés chercher, avec le soutien technique de la Région, des subventions européennes dans tous les domaines et ont monté les dossiers de demandes de subventions respectant les critères imposés par la Commission.

Transports, Logement, Environnement : l’Europe peut apporter beaucoup

Pour aller plus loin, de nombreux autres projets pourraient faire l’objet de soutiens des fonds européens. On ne compte ainsi pas moins de 54 subventions européennes et appels à projets distincts concernant le secteur des transports, dont plusieurs permettent d’abonder des investissements en infrastructures ou en création de systèmes de transports lourds.

Autre exemple, alors que notre métropole doit s’engager dans la lutte contre les logements indignes et insalubres, des fonds européens peuvent être mobilisés dans cet objectif. La nouvelle politique de cohésion post-2020, le nouveau plan Juncker « InvestEU » 2021-2027 fait ainsi du logement social, en qualité d’infrastructure sociale et de socle européen des droits sociaux, une des priorités de la Commission européenne et de la Banque Européenne d’investissement. Des programmes de rénovation de logements précaires pourraient ainsi voir le jour avec un accompagnement de l’Europe.

Dernier exemple, les fonds européens peuvent également être mobilisés pour des dossiers impactant la qualité de l’air.  Avec la mise en œuvre d’un contrat de transition écologique (CTE) sur le golfe de Fos et l’Etang de Berre, la Métropole pourrait permettre aux industries polluantes de rénover leurs infrastructures et supprimer les rejets toxiques grâce aux subventions européennes prévues à cet effet. Les fonds européens permettraient ainsi de contribuer à développer une industrie respectueuse de l’environnement et de la santé publique.

2019 est une année charnière pour l’Union Européenne, entre un scrutin européen incertain et les négociations budgétaires pour l’exercice 2021-2027. Les métropolitains comme les acteurs politiques, économiques et sociaux doivent prendre conscience des opportunités que leur offre l’Union Européenne pour soutenir le financement de très nombreux projets stratégiques pour notre territoire.

Note du 18 avril 2019 – Cyril Jouan et Frédéric Pourrière

[1] D’après un texte de Béatrice Bochet et Giuseppe Pini, paru dans « Vues sur la ville »

[2] https://ec.europa.eu/france/

[3] Commission Européenne

[4] Article du Média Est Républicain 23/03/2019

[5] http://programmes-europeens-2014-2020.regionpaca.fr

[6] Tome 4 – février 2019 https://europe.maregionsud.fr/que-fait-leurope-dans-ma-region

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